Histoire d’Arcachon et du Pyla : en 2023, la Dune du Pilat a attiré plus de 1,4 million de visiteurs, un record selon l’Office de tourisme. Pourtant, peu savent qu’elle avance d’environ 3 mètres chaque année, engloutissant forêt et souvenirs. Entre pinède bruissante et parfums d’embruns, je vous embarque dans un voyage où la légende se mêle aux chiffres, où l’éternel mouvement du sable dialogue avec les pierres tranquilles des villas Second Empire. Prêt·e à sentir grincer le plancher de l’histoire sous vos pas ?

Des cabanes de résiniers au rêve impérial

Avant les villas de verre et d’ardoise, le territoire n’était qu’une lande battue par les vents d’ouest. Dès 1821, les archives du cadastre napoléonien mentionnent à peine 350 habitants à La Teste-de-Buch ; la majorité vit de la collecte de gemme (la résine), remplacée l’été par la pêche à la sardine.

La bascule survient en 1857 : le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, obtient la création de la « Ville d’Hiver ». Avec 6 °C de plus qu’à Paris en janvier, le microclimat attire vite la haute société. Entre 1862 et 1871, plus de 150 villas aux noms poétiques – « Trocadéro », « Alexandra », « Brémontier » – surgissent. On doit leur style composite au duo d’architectes Henri Martinet et Louis Garros : tourelles mauresques, frises néo-gothiques, galeries à claire-voie.

D’un côté, ce fastueux décor balnéaire électrise les journaux parisiens. Mais de l’autre subsiste une réalité rude : les pêcheurs du quartier de l’Aiguillon vivent dans des maisons basses, menacées par chaque grande marée. Cette opposition socio-spatiale façonne l’identité d’Arcachon : une station bourgeoise posée sur un socle populaire et maritime.

Le Grand Hôtel, théâtre de mondanités

Édifié en 1868 face à la jetée Thiers, le Grand Hôtel compte 130 chambres, un salon de lecture et même un télégraphe privé. En 1879, Sarah Bernhardt y séjourne douze jours ; elle dira « entendre battre le cœur de la mer la nuit ». Le lieu fermera pourtant en 1939, réquisitionné comme hôpital militaire. Ses façades démantelées après-guerre laissent aujourd’hui place à l’institut médico-social Jean-Hameau.

Pourquoi la Dune du Pilat fascine-t-elle depuis le XIXᵉ siècle ?

Qu’est-ce que la Dune du Pilat ? C’est le plus haut massif dunaire d’Europe : 106,6 mètres au relevé IGN de janvier 2024. Formée il y a environ 4 000 ans, elle est alimentée par 60 000 m³ de sable par an. Les premières gravures touristiques datent de 1843 ; on y voit des dames en crinolines grimpant laborieusement la pente.

Plusieurs raisons expliquent l’engouement :

  • Panorama unique : d’un seul regard, l’océan Atlantique, la forêt des Landes et le Banc d’Arguin.
  • Phénomène vivant : la dune se déplace vers l’est à un rythme moyen de 1 à 4 m par an, « avalant » pins et parkings.
  • Légende locale : selon le conte basque d’Eléonore, la dune serait née des larmes d’une amante trahie par un marin d’Arcachon.

En 2023, le site a dû limiter ses accès après avoir enregistré 25 % de fréquentation supplémentaire par rapport à 2019, questionnant la gestion durable de ce monument naturel.

Portraits d’Arcachonnais qui ont marqué les flots et les pins

François Legallais, l’homme qui électrifia la côte

Ingénieur visionnaire, Legallais obtient en 1903 le contrat d’électrification d’Arcachon. En moins de deux ans, 17 km de lignes sont posés, apportant lumière et tramway à vapeur converti à l’électricité. Sa centrale, aujourd’hui transformée en salle d’exposition, demeure un symbole de modernité précoce.

Jeanne Barsacq, mémoire des passeurs d’huîtres

Née en 1928 au port de la Teste, Jeanne recueille les témoignages des ostréiculteurs dès les années 1970, redoutant la disparition de leur savoir-faire. Ses cahiers – 842 pages manuscrites – sont conservés aux Archives départementales de la Gironde. Grâce à elle, les « pinasses » (barques traditionnelles) et la technique du captage de naissain restent vivantes dans les esprits.

Pierre Mallet, gardien du phare du Cap Ferret

Entre 1951 et 1983, Pierre Mallet gravit 258 marches deux fois par jour pour entretenir la lentille de Fresnel. Il aimait raconter que, par temps clair, « la lueur rouge se reflétait jusque sur les fenêtres de la villa Alexandre ». Son journal, publié en 2022, évoque aussi les tempêtes de 1956 et 1979 qui ont fracassé plusieurs digues.

Comment explorer aujourd’hui ce patrimoine vivant ?

Visiter Arcachon, c’est naviguer entre passé et présent. Voici mes recommandations pratiques :

  • Flâner dans la Ville d’Hiver : empruntez la boucle piétonne de 2,4 km balisée par la municipalité (2021) ; 45 plaques explicatives jalonnent le parcours.
  • Monter à l’Observatoire Sainte-Cécile : cet ouvrage métallique signé Paul Régnauld (1863) offre un belvédère à 25 m d’altitude.
  • Déjeuner au marché couvert, place des Marquises, pour savourer des huîtres du Banc d’Arguin et un verre d’Entre-deux-Mers.
  • Rejoindre Pyla-sur-Mer en vélo via la piste « La Vélodyssée » : 7 km de forêt littorale, ponctués de repères historiques (bunker du Mur de l’Atlantique, blockhaus 1943).
  • Contempler le coucher de soleil depuis la Dune, hors saison (octobre à mars) pour éviter l’affluence et mieux écouter le vent.

Entre conservation et pression touristique

D’un côté, l’inscription de la côte à l’UNESCO est soutenue par les associations « Surfrider » et « Enfants de la dune » depuis 2018. De l’autre, les riverains craignent des contraintes supplémentaires sur le bâti ancien. Un compromis se dessine : en 2024, la Communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Sud a voté une enveloppe de 3,8 millions d’euros pour restaurer les façades historiques tout en installant des compteurs de flux sur les sentiers sensibles.


Je me surprends toujours à frissonner quand le train quitte la pinède et que la mer étincelle soudain derrière la gare d’Arcachon. Si, comme moi, vous aimez sentir le parfum de résine mêlé aux embruns, laissez-vous guider plus loin : la saga des chantiers navals, les mystères de l’île aux Oiseaux ou l’épopée des courriers maritimes n’attendent que votre curiosité. À très vite, entre mer tranquille et forêt murmurante.

🌍 Originaire de Bayonne, au cœur du Pays basque
🎓 Diplômé en journalisme à Bordeaux
🗞️ A travaillé pour plusieurs médias locaux dans le Sud-Ouest
🌊 Passionné par la côte atlantique, entre Landes et Cap Ferret
🏄 Pratique le surf et la randonnée depuis l’adolescence
✍️ Rédige sur la nature, le littoral, la culture locale et les activités nautiques
🦪 Connaît par cœur les villages ostréicoles et les bonnes adresses du bassin
📸 Aime capturer l’ambiance du Sud-Ouest