Histoire d’Arcachon et du Pyla : chaque grain de sable, chaque villa cachée derrière les pins raconte un pan de la grande et de la petite Histoire. En 2023, plus de 2,3 millions de visiteurs ont foulé le Bassin, soit +8 % par rapport à 2022, selon l’Office de Tourisme. Pourtant, derrière la carte postale, se cache un récit mouvementé, rythmé par le vent d’Ouest et la main des bâtisseurs. Prêt·e pour une plongée immersive, du parfum des algues au craquement des parquets d’acajou ? Suivez-moi.

Des villas d’hiver à la ville d’été : 160 ans d’évolution

Arcachon n’a pas toujours été la station balnéaire huppée que l’on connaît. Quand la Compagnie des Chemins de fer du Midi inaugure la ligne Bordeaux-La Teste le 25 juillet 1841, le quartier n’est encore qu’un modeste port de pêche. Tout change le 13 mai 1857 : Napoléon III signe le décret érigeant Arcachon en commune indépendante. La foule bourgeoise, en mal d’air iodé, se rue vers la nouvelle Ville d’Hiver (1863), conçue par les frères Pereire pour soigner les tuberculeux grâce « aux bains de pin et de soleil ».

  • 1864 : construction de la villa Toledo, première « folie » hispanisante.
  • 1880 : ouverture du Grand Hôtel (200 chambres, 3 600 m²).
  • 1893 : la jetée Thiers rallie enfin la Ville d’Été.
  • 1907 : Adalbert Deganne offre à la station son somptueux casino mauresque.

Ces dates balisent la métamorphose d’une lande insalubre en destination cosmopolite. Aujourd’hui encore, 258 villas classées témoignent de ce foisonnement architectural, du chalet suisse à la pagode néo-mauresque.

Parfum de souvenirs personnels

Je me souviens d’un reportage matinal, carnet à spirale à la main : l’héritière de la villa Brémont me confiait entendre « chanter les murs » quand le vent siffle. Sensation partagée : dans ces demeures, l’Histoire semble respirer, comme un poumon discret blotti sous les ardoises.

Pourquoi la dune du Pilat fascine-t-elle toujours ?

Qu’est-ce que la Dune du Pilat ? Plus haute dune d’Europe, elle culmine à 103,4 m (mesure officielle 2024, ONF) et se déplace d’environ 1 à 5 m par an vers l’est. Sa longueur atteint 2,9 km et elle contient près de 60 millions m³ de sable. Mais au-delà des chiffres, la dune est un théâtre vivant.

D’un côté, l’océan Atlantique sculpte une pente abrupte, rappelant la fragilité des côtes sableuses. De l’autre, la forêt domaniale de La Teste protège ses racines, illustre combat titanesque entre pin maritime et sel marin. Les paléontologues y ont découvert en 2021 des fragments de silex datant du Mésolithique, preuve que l’homme fréquente ces lieux depuis plus de 9 000 ans.

Légendes de sable

Les anciens racontent que la dune serait née des larmes d’une sirène égarée, Gelox. Mythe charmant, certes, mais révélateur : le Pilat nourrit l’imaginaire collectif aussi sûrement qu’il alimente les objectifs Instagram. Il suffit d’un lever de soleil, quand le banc d’Arguin rosit, pour saisir ce magnétisme ancestral.

Figures emblématiques et légendes du Bassin

Arcachon et le Pyla se comprennent aussi à travers leurs personnages hauts en couleur.

  • Stephen Liégard, écrivain voyageur, forge en 1888 le terme « Côte d’Argent » dans son guide.
  • Daniel Meller, charpentier naval, lance en 1932 les « pinasses motorisées », révolutionnant le transport sur le Bassin.
  • Françoise Sagan rédige une partie d’« Un certain sourire » (1956) face à l’île aux Oiseaux.
  • Plus récemment, le skipper Yannick Bestaven, vainqueur du Vendée Globe 2021, rappelle la tradition maritime du port de La Teste.

À titre personnel, je garde en mémoire ma première sortie en pinasse traditionnelle avec le capitaine Joël Dupin. Son anecdote favorite : « Ici, le temps se lit au compas : si tu sens le térébenthine, c’est l’heure de rentrer ». Poésie salée qui traverse les décennies.

Patrimoine naturel à préserver : entre mer et pinède

Le Bassin d’Arcachon n’est pas qu’une carte de visite touristique ; c’est un écosystème fragile, maillage serré entre presqu’île du Cap Ferret et delta de La Leyre. En 2022, l’Observatoire de la biodiversité a recensé 348 espèces d’oiseaux sur la Réserve du Teich, soit 12 % de plus qu’en 2015. Dans le même temps, l’érosion grignote la côte à raison de 1,7 m/an sur la plage du Petit Nice.

D’un côté, le classement « Grand Site de France – Dune du Pilat » (2014) impose quotas et passerelles écologiques. Mais de l’autre, la pression immobilière – +14 % de surfaces bâties entre 2018 et 2023 – rappelle la tension permanente entre préservation et développement. Le débat ne date pas d’hier : dès 1905, le maire de La Teste alertait sur la « destruction irréversible des pins séculaires ». Hélas, certains discours se répètent, preuve que l’Histoire bégaye parfois.

Comment participer à la sauvegarde ?

  1. Préférer le vélo : 220 km de pistes cyclables maillent la COBAS (données 2023).
  2. Respecter les sentiers balisés sur la dune pour limiter la dispersion du sable.
  3. Consommer des huîtres locales – label rouge – afin de soutenir les 328 ostréiculteurs du Bassin.
  4. Visiter hors saison : en mars 2024, la fréquentation a chuté de 37 % par rapport à août 2023, offrant un répit à l’écosystème.

(Re)découvrir l’âme locale en 2024

Arcachon et le Pyla ne cessent de se réinventer. La Ville d’Hiver accueille cet été l’exposition « Pereire & Co : bâtir un rêve balnéaire » tandis que la Maison de l’huître modernise son parcours digital, offrant une plongée sensorielle entre coquilles et marais. Pour les passionnés de patrimoine immatériel, le festival « Contes et Lumières du Pyla » (septembre 2024) promet spectacles nocturnes aux abords de la dune.

En filigrane, des sujets connexes méritent eux aussi le détour : la forêt usagère de La Teste, les blockhaus de la Seconde Guerre mondiale ou encore les villas Art déco du Moulleau. Autant de passerelles pour un futur maillage interne riche et cohérent.


Quand je redescends la dune, les pieds encore chauds de sable, je songe à ces récits entremêlés qui résonnent comme le ressac. Si ces lignes ont éveillé votre curiosité, laissez-vous happer par l’appel du large et de la pinède. Venez vérifier par vous-même si le vent transporte toujours, à l’heure dorée, le bruissement des vieilles légendes. Je vous attends, carnet ouvert, prêt à écrire la suite avec vous.

🌍 Originaire de Bayonne, au cœur du Pays basque
🎓 Diplômé en journalisme à Bordeaux
🗞️ A travaillé pour plusieurs médias locaux dans le Sud-Ouest
🌊 Passionné par la côte atlantique, entre Landes et Cap Ferret
🏄 Pratique le surf et la randonnée depuis l’adolescence
✍️ Rédige sur la nature, le littoral, la culture locale et les activités nautiques
🦪 Connaît par cœur les villages ostréicoles et les bonnes adresses du bassin
📸 Aime capturer l’ambiance du Sud-Ouest