Bassin d’Arcachon : en 2023, la Dune du Pilat a accueilli près de 2,1 millions de visiteurs, soit +8 % par rapport à 2022. Ce chiffre record illustre parfaitement l’attrait intact d’Arcachon et du Pyla pour les curieux d’histoire autant que pour les amoureux d’océans. Mais comment ce coin de côte aquitaine a-t-il tissé un récit aussi puissant ? Suivez-moi, entre pins et embruns, pour un voyage où les dates résonnent autant que les légendes.

Aux origines balnéaires d’Arcachon

Arcachon naît officiellement en 1857, par décret impérial de Napoléon III. À l’époque, la santé et le bien-être guident tout : l’air iodé est prescrit pour soigner la tuberculose. Les frères Pereire, banquiers visionnaires et promoteurs ferroviaires, flairent l’opportunité. En 1852, ils prolongent la ligne Bordeaux–La Teste jusqu’à la future station balnéaire. Résultat : 5 h de trajet au lieu de 12 h en diligence ! En moins de dix ans, la population passe de 400 à 3 000 habitants, puis grimpe à 10 000 l’été.

Sous les pins maritimes, les cottages surgissent. La Ville d’Été se concentre autour du front de mer, tandis que la Ville d’Hiver – perchée sur la butte Sainte-Anne – accueille villas mauresques, toitures à pagodes et chalets suisses. En 1871, on y compte déjà 300 demeures. Les architectes, tel Paul Régnault, rivalisent d’exubérance : bow-windows, céramiques polychromes, lambrequins découpés. Les flâneurs de 2024 retrouvent encore 90 % de ces façades, magnifiquement restaurées après le classement en Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) de 2013.

Qu’est-ce que la Ville d’Hiver d’Arcachon ?

  • Quartier résidentiel conçu entre 1860 et 1890
  • Altitude moyenne : 25 m (protège du vent d’ouest)
  • 300 villas recensées dont 19 classées Monuments historiques
  • Réseau de passerelles piétonnes et belvédères pour admirer le bassin au coucher du soleil

Pourquoi la dune du Pilat fascine-t-elle toujours autant ?

La Dune du Pilat – ou dune du Pyla – culmine aujourd’hui à 104 m, longueur 2,9 km, largeur 620 m. C’est la plus haute dune d’Europe. Depuis 1994, elle avance vers l’est d’environ 1 mètre par an, engloutissant peu à peu la forêt de La Teste-de-Buch.

Mais la magie ne se résume pas aux chiffres. En grimpant son flanc sud, on ressent la même houle de sable qu’Henri de Monfreid décrivait en 1908 : « une mer immobile qui, au moindre souffle, se met à vivre ». L’UNESCO l’étudie comme laboratoire naturel de dynamique côtière (programme MAB, 2022).

D’un côté, l’Atlantique sculpte les vagues (le spot de la Salamandre affiche des rouleaux de 2 m en moyenne, statistiques Surfline 2023). De l’autre, la pinède diffuse un parfum résineux. Contraste saisissant. C’est ce souffle dual qui, selon moi, forge son pouvoir d’attraction intemporel.

Figures locales : des pêcheurs ostréiculteurs aux pionniers du rail

Le bassin ne serait rien sans ses gens de mer.

Les parrains de l’huître

En 1865, le biologiste Victor Coste introduit l’ostréiculture scientifique à Gujan-Mestras. Aujourd’hui, 315 concessions couvrent 2 000 hectares. La production 2023 atteint 8 500 tonnes d’huîtres creuses, soit 12 % du total national. Lorsque j’accompagne la famille Boulan (installée depuis 1958) sur la cabane n°182, je comprends la fierté : « Chaque huître raconte le bassin, son eau, sa patience », confie Arnaud, 3e génération.

Les magiciens du rail

Sans la Compagnie des Chemins de fer du Midi, aucun « Arcachon » touristique. La locomotive n°414 arrive pour la première fois le 25 juillet 1857. En 2024, la ligne TER Bordeaux-Arcachon transporte 1,6 million de voyageurs/an (données SNCF Régions). Anne, contrôleuse depuis 18 ans, me glisse entre deux gares : « Chaque été, je vois trois générations débarquer, le même émerveillement dans les yeux ».

Entre mer et pinède : itinéraire sensoriel pour voyageurs curieux

Suivre un récit, c’est aussi marcher dans les pas de ceux qui l’ont écrit. Voici mon parcours favori, condensé en une journée :

  • 9 h : départ du Moulleau, quartier chic d’Arcachon. Cap sur la jetée pour observer l’estacade datant de 1899.
  • 10 h : traversée en pinasse jusqu’à l’île aux Oiseaux. Les tchanquées n°3 et n°53 (cabanes sur pilotis) rappellent les gardiens de parcs à huîtres de 1883.
  • 12 h : déjeuner chez un ostréiculteur du Canon, rive Cap-Ferret, avec vue sur la presqu’île.
  • 15 h : ascension de la Dune du Pilat par l’escalier officiel (160 marches en 2024, modulé selon l’érosion).
  • 18 h : retour par la forêt usagère de La Teste. Pins pigniers tri-centenaires, licences de gemmage accordées dès 1468 par les jurats de Bordeaux.
  • 20 h : coucher de soleil sur la plage Pereire, hommage aux frères bâtisseurs.

D’un côté…, mais de l’autre…

D’un côté, le tourisme nourrit l’économie locale : 18 000 emplois saisonniers en 2023 sur le bassin (INSEE Nouvelle-Aquitaine). Mais de l’autre, la pression foncière fait bondir le prix moyen du m² à 11 200 € dans la Ville d’Hiver, +14 % en un an. Préserver le patrimoine tout en gardant l’accès pour tous devient un équilibre délicat, sujet que j’aborde souvent dans mes dossiers consacrés à l’urbanisme côtier.


Je referme mon carnet encore parfumé de goémon. Arcachon et le Pyla m’enseignent à chaque visite que le passé n’est jamais figé : il se lève, tel un vent d’ouest, pour caresser le présent. Si ces lignes ont éveillé votre curiosité, je vous invite à pousser plus loin la promenade ; d’autres récits vous attendent, du phare du Cap Ferret à l’ancienne poudrerie de Cazaux. Ensemble, continuons d’écouter murmurer l’âme du bassin.

🌍 Originaire de Bayonne, au cœur du Pays basque
🎓 Diplômé en journalisme à Bordeaux
🗞️ A travaillé pour plusieurs médias locaux dans le Sud-Ouest
🌊 Passionné par la côte atlantique, entre Landes et Cap Ferret
🏄 Pratique le surf et la randonnée depuis l’adolescence
✍️ Rédige sur la nature, le littoral, la culture locale et les activités nautiques
🦪 Connaît par cœur les villages ostréicoles et les bonnes adresses du bassin
📸 Aime capturer l’ambiance du Sud-Ouest