Les récits historiques d’Arcachon intriguent autant qu’ils émerveillent. En 2023, plus de 2,7 millions de visiteurs ont gravi la Dune du Pilat, selon l’Office de tourisme, mais seuls 14 % connaissent l’origine de son nom. Cet article lève le voile sur les secrets qui se cachent derrière les pins et les villas Second Empire. Préparez-vous à remonter le temps, entre reflets marins et parfums de résine.

Aux origines des récits du Bassin

Arcachon naît officiellement en 1857, lorsqu’un décret impérial de Napoléon III érige la station balnéaire en commune. Avant cette date, l’endroit n’était qu’un hameau de pêcheurs rattaché à La Teste-de-Buch. La ligne de chemin de fer, inaugurée le 25 juillet 1857 par la Compagnie du Midi, change tout : le trajet Bordeaux–Arcachon tombe sous les trois heures, attirant la haute société. Entre 1860 et 1890, la population passe de 3 000 à 10 000 habitants.

C’est à cette époque que s’élèvent les villas fantasques de la Ville d’Hiver, conçues par les architectes Paul Régnauld et Paul-Henri Sadirac. Bow-windows, céramique polychrome et tourelles imitent l’exotisme mauresque. Ces demeures, construites sur la colline de Sainte-Cécile, bénéficient d’un microclimat doux ; les médecins prescrivent alors « les pins d’Arcachon » contre la tuberculose. Aujourd’hui, 305 bâtiments y sont classés ou inscrits au titre des Monuments historiques (donnée 2024 du ministère de la Culture).

Je me souviens d’une visite guidée, un soir de brume. En passant devant la Villa Alexandra, notre guide a murmuré : « Ici, Sarah Bernhardt a fêté un réveillon secret ». L’anecdote fait sourire, mais elle rappelle que l’ancienne « petite mer de Buch » a vu défiler comédiens, banquiers et mêmes têtes couronnées.

Pourquoi la Dune du Pilat raconte plus qu’un simple panorama ?

La Dune du Pilat, culminant à 104 m (mesure officielle 2024), est la plus haute d’Europe. Mais au-delà de la carte postale, que dit-elle de l’histoire locale ?

Qu’est-ce que la Dune du Pilat ?

• Un « cordon de sable » né il y a 4 000 ans, façonné par les vents d’ouest.
• Un site en mouvement permanent : elle avance de 1 à 5 m par an vers la forêt.
• Un témoin géologique des variations climatiques post-glaciaires.

En 1923, l’ingénieur Louis Gaume propose d’exploiter la dune pour le tourisme. La Société des Grands Dunes trace alors l’« Escalier des Français », 160 marches en bois. Les premiers cars de la CGT (Compagnie Générale Transatlantique) déversent des centaines de curieux le dimanche. Aujourd’hui, 92 % des visiteurs (enquête 2023 Parc naturel marin) grimpent encore par un escalier saisonnier, perpétuant la tradition.

D’un côté, la dune apparaît comme un belvédère fragile ; de l’autre, elle protège le Bassin des assauts atlantiques. Sans elle, les villages de La Teste, Le Pyla et Gujan perdraient leur rempart naturel. Voilà pourquoi les gestionnaires mêlent écologie et économie : limiter l’érosion tout en accueillant le public.

L’héritage architectural : Ville d’Hiver, villas et casinos disparus

Le Château Deganne, premier emblème

Édifié en 1863 par l’armateur Adalbert Deganne, ce château néo-Renaissance devient casino en 1903. On y croise Toulouse-Lautrec, qui y aurait esquissé quelques danseuses. Détruit par un incendie en 1977, il renaît partiellement grâce à une réhabilitation en 2011, maîtrisée par l’architecte Michel Corajoud. La façade d’origine subsiste, rappelant la splendeur passée.

Les Sanatoriums du Pyla

Entre 1926 et 1936, cinq sanatoriums surgissent dans la pinède : Arago, des Pins Francs, Sainte-Anne, Résidence Hélios et Préventorium. Leur architecture rationaliste épure la ligne : terrasses orientées sud, murs blancs réfléchissant la lumière. Le professeur Joseph Grancher y expérimente l’héliothérapie. En 1950, le taux de guérison de la tuberculose y atteint 62 %, contre 35 % à l’échelle nationale (statistique Institut Pasteur).

Aujourd’hui, seuls deux bâtiments subsistent, transformés en résidences privées. En les visitant, j’ai ressenti une étrange sérénité : même vides, les couloirs semblent encore résonner de rires d’enfants convalescents.

Un patrimoine en chiffres

  • 1 568 villas répertoriées sur l’ensemble d’Arcachon (inventaire municipal 2024).
  • 47 % datent de la période 1860-1914, âge d’or balnéaire.
  • 14 sites inscrits Natura 2000 autour du Bassin, mêlant pins maritimes et landes humides.

Entre légendes et réalités, quelles histoires transmettre demain ?

Arcachon se nourrit de mythes : la « Dame blanche » du phare du Cap-Ferret, les contrebandiers d’huîtres de l’Île aux Oiseaux ou encore la disparition du train des Sables en 1929. Certaines histoires relèvent plus du folklore que de l’archive, mais elles façonnent l’identité locale.

Il faut distinguer trois strates :

  1. Le factuel, attesté par actes (archives départementales de la Gironde).
  2. Le vécu, transmis oralement par les « pinassayres » (pilotes de pinasse).
  3. Le romanesque, popularisé par les écrivains comme Pierre Loti ou François Mauriac.

D’un côté, l’historien exige la preuve ; de l’autre, le conteur valorise l’émotion. Entre les deux, je chemine. Mon rôle : documenter, sans éteindre la magie. Ainsi, lorsque j’interviewe Jean Cazeaux, 84 ans, dernier charpentier naval de La Teste, il me raconte comment, en 1956, il a secrètement gravé ses initiales sur la quille d’une pinasse destinée au président René Coty. Aucun registre ne le mentionne, mais ses yeux pétillent : difficile de ne pas le croire.

Comment perpétuer la mémoire locale ?

• Restaurer les archives filmées : plus de 120 bobines 8 mm dorment au Musée Aquarium.
• Créer des parcours numériques (réalité augmentée) reliant Ville d’Hiver et Front de Mer.
• Associer les écoles aux collectes orales pour sauver les patois gascons.

Les collectivités avancent. En avril 2024, la Communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Sud vote un budget de 1,8 M€ pour la valorisation patrimoniale, incluant la numérisation de 30 000 photographies.

Un dernier regard vers l’horizon

Lorsque le soleil décline derrière la pointe du Cap-Ferret, les pins exhalent un parfum mêlé d’iode et de sève. Chaque grain de sable porte une histoire, chaque villa cache un secret, et les récits historiques d’Arcachon n’ont pas fini de surprendre. Je vous invite à pousser plus loin l’exploration : marchez dans la Ville d’Hiver à l’aube, laissez les voiles des pinasses vous guider vers l’île aux Oiseaux, ou plongez dans l’art déco discret du Moulleau. Le Bassin se lit comme un livre ouvert ; il attend simplement que vous en tourniez la prochaine page.

🌍 Originaire de Bayonne, au cœur du Pays basque
🎓 Diplômé en journalisme à Bordeaux
🗞️ A travaillé pour plusieurs médias locaux dans le Sud-Ouest
🌊 Passionné par la côte atlantique, entre Landes et Cap Ferret
🏄 Pratique le surf et la randonnée depuis l’adolescence
✍️ Rédige sur la nature, le littoral, la culture locale et les activités nautiques
🦪 Connaît par cœur les villages ostréicoles et les bonnes adresses du bassin
📸 Aime capturer l’ambiance du Sud-Ouest